Le Renard est mon animal préféré à cause de son entêtement à ne pas vouloir disparaître... Pourtant, on l’a pourchassé, empoisonné, piégé, gazé, tiré au fusil, déterré...mais il est toujours là, il a survécu à la formidable machine de destruction qu’est l’homme...Alors, on a tout de même écouté les naturalistes, et on a vacciné les renards contre un nouvel ennemi : la rage.
Malgré tout cela, le renard est commun, il est partout : en forêt, dans les champs, près des villes. Il entre la nuit dans les villages autour de la forêt pour aller chaparder dans les poubelles ou dans les vergers car il est friand de fruits (je l’ai observé à Fontainebleau, Avon, Samois, Bois-le-Roi, etc...). Parfois, il vole une poule, et les passions se déchaînent de nouveau.
Le renard a un régime alimentaire éclectique comprenant principalement des mulots et autres petits mammifères, mais aussi des insectes et des fruits (Lustrat, 1986). J’ai observé un soir de juillet 1984, dans le bois de la Dame, en lisière d’une régénération artificielle, un renard manger patiemment des fraises des bois...et un autre en octobre 1997 attaquer et blesser un canard domestique qui errait sur la route !
En 1990, le Ministère de l’Agriculture décide enfin de supprimer les primes pour destruction de renards, et entreprend une vaste campagne de vaccination orale de renards. Les vaccins, insérés dans des appâts, sont distribués par hélicoptère ou manuellement dans les zones trop fourrées. Les résultats ont été encourageants : la rage a pratiquement disparu de France.
Le renard est facile à observer au lever du jour ou au crépuscule, lorsqu’il chasse, ou en se postant près d’un terrier où une renarde élève sa portée.
J’ai effectué près de 500 observations de renards en forêt de Fontainebleau (en dehors des affûts). Ma première observation remonte à l’été 1976 : j’étais posté en affût sur un arbre, au coude d’une rivière, dans les marais d’Arbonne, à la tombée de la nuit, un renard arrive et se jette sur un Campagnol amphibie qu’il emporte sous mes yeux !
Un matin de juillet 1984, au petit jour, j’ai observé une renarde chassant sur la butte du Polygone accompagnée de ses 3 jeunes. L’adulte chassait nez au sol à la recherche certainement de lapins nombreux à cet endroit, sans s’occuper des jeunes qui jouaient entre eux : combats, morsures, poursuites, mêlées, bonds en l’air sans avoir l’air de s’intéresser à la leçon de chasse de leur mère...
Les renards n’ont pas peur de s’aventurer en ville, et je connais plusieurs endroits des villes de Fontainebleau et d’Avon où les renards vont régulièrement s’alimenter dans les poubelles. J’en ai même observé un, très maigre en plein jour en décembre 1977, roder sur le canal du château de Fontainebleau. Déjà, en 1949, Mr Charbonneau avait piégé un renard qui venait dans son jardin, plaine de la Chambre « ravager les récoltes, et notamment les fruits ». En 1958, un agent technique forestier avait tué une douzaine d’adultes et 4 adultes et 8 petits en 1960 dans le parc du château (Anonyme, 1960).
Hormis durant le rut, le renard est un animal solitaire, les rares observations de groupe que j’ai effectuées ont été faites près de points de nourrissage (jusqu’à 3 adultes ensemble, près des poubelles d’un restaurant en lisière de forêt à Fontainebleau).
Le rut du renard peut s’étendre de décembre à avril, il pousse alors des petits jappements ressemblant aux aboiements du chevreuil (que je n’ai entendu que rarement la nuit à Fontainebleau), et parcourt son territoire à la recherche d’une femelle. Le 18 février 1983, à la tombée de la nuit, alors que j’étais assis sur un rocher à l’affût près d’un terrier fréquenté par les renards et les blaireaux, par une température de - 10°, j’ai observé un renard mâle venir visiter ce terrier à la recherche d’une femelle : il est entré à mi-corps dans chacune des trois entrées (à 3 m de moi, immobile et masqué par des branchages), son odorat ne lui ayant pas détecté l’odeur d’une renarde, il s’est éloigné après avoir uriné sur un jeune arbre afin de marquer son territoire et son passage à l’adresse d’un rival éventuel.
Effrayé le renard s’enfuit d’ordinaire sans un cri, mais une fois j’ai surpris 2 adultes ensemble, l’un m’ayant repéré se sauva en poussant un aboiement sec et assez aigu qui incita le deuxième individu à fuir.
En mai 1988, un adulte qui jouait avec ses petits devant son terrier, me repère soudain : il pousse alors un jappement bref et rentre précipitamment au terrier avec ses jeunes. Un soir de la même année, une femelle qui allait rejoindre ses jeunes au terrier m’a localisé : tout en restant à distance, cachée par les fourrés, elle tourne autour de moi en poussant régulièrement des aboiements forts et brefs que l’on pourrait décrire comme un mélange du cri d’alarme du chevreuil et du cri du héron cendré. Un soir de mai 1997, lors d’une randonnée nocturne sans lampe, j’ai dû déranger une femelle avec ses petits, car j’ai entendu des cris à peu près identiques, mais encore plus rageurs, se rapprochant du feulement émis par les pumas.
Le renard n’utilise ses terriers régulièrement que lors de la mise à bas. Le reste du temps, il dort à l’air libre. J’ai observé 4 fois des renards couchés dehors de jour : en juin 1983, un individu lové au pied d’un gros chêne, en novembre 1983, alors qu’il gelait, un individu couché au soleil, dans une plantation de jeunes sapins, en mars 1984, pendant une belle éclaircie après une averse, un individu couché au soleil, dans une lande à bruyères et en janvier 1996, un adulte couché au soleil près de l’étang de Fontaine-le-Port, (2 après-midis dans la même semaine) que j’ai observé avec M. Godefroy, depuis l’affût de la réserve volontaire de l’Orée du bois.
J’ai étudié les facteurs influençant la répartition des terriers de renards pour la mise à bas en forêt de Fontainebleau : l’emplacement des terriers présente quelques originalités du fait de la proximité de grandes villes et du nombre important de routes sillonnant la forêt (Lustrat, 1987). J’ai suivi 70 terriers de renards pendant 6 ans et 11 d’entre eux ont accueilli 15 portées. Les terriers qui servent à la mise à bas sont situés souvent sur des buttes, même de faible hauteur (9 terriers sur 11). Le terrier peut avoir au maximum 11 entrées, la moyenne étant de 4. 36 des 46 entrées se trouvent au sud d’une ligne nord-ouest/sud-ouest. La présence humaine ne constitue pas ici, un facteur dissuasif pour l’élevage d’une portée, car les habitations isolées peuvent être tolérées à 100 m des terriers et les villages à 300 m. Des renardeaux ont été élevés à 30 m d’une route et d’autres près d’une décharge. Dans ces 2 cas, la proximité de nourriture a dû certainement influencer la renarde dans le choix du terrier. Cependant, si les renards profitent des animaux écrasés par les voitures, ils sont à leur tour parfois victimes de la route, surtout les jeunes lors de leur émancipation.
J’ai noté parfois la cohabitation de renards et blaireaux, et souvent la présence de Mulots dans le même terrier que les Renards. Lors de mon étude, seulement 3 terriers sur 11 ont été réoccupés, dont 1 trois fois. Les destructions (gazage, déterrage) n’expliquent pas la non-réutilisation des terriers pour la mise à bas. En effet, si un terrier détruit ou abandonné, suite à une intervention humaine n’est plus réutilisé (au moins pendant 6 ans, dans notre territoire d’étude), la plupart des terriers n’ont pas été réoccupés, alors qu’ils n’ont pas été dérangés. En revanche, d’autres, n’ayant jamais abrité de portées de renards depuis 5 ans que je les connaissais, ont vu une Renarde y élever ses jeunes la sixième année.
Un soir de mai 1997, alors que je me rendais à l’affût des Blaireaux, près des étangs de Sorques, j’ai observé une Renarde debout allaiter ses 4 jeunes, près de son terrier, creusé sous les racines d’un arbre tombé, au ras de l’étang.
L’observation des renardeaux est un spectacle inoubliable, il suffit de trouver un terrier où une femelle a mis bas (reconnaissable aux restes de proies abandonnées à l’entrée, et au piétinement causé par les renardeaux) et de se cacher à proximité. J’ai ainsi affûter* une vingtaine de terriers (sur la centaine que j’ai repérés) où il y avait des renardeaux. Les jeunes ne sont pas farouches et jouent l’après-midi devant le terrier.
Les adultes sont beaucoup plus méfiants et peuvent changer de terrier s’ils se savent repérés, en emmenant les petits. Plus ils grandissent, plus ils sortent tard. En été, ils quittent le terrier et cherchent un territoire pour s’installer.
Nombreux sont ceux qui périront écrasés par les voitures ou tués par des chasseurs.
Le renard semble avoir été toujours commun en forêt de Fontainebleau : en 1924, Dalmon estime le renard « encore très commun à cause de ses ruses et de ses terriers sous roches », et en 1970, Loiseau écrit : « les renards restent encore assez communs en forêt ». En 1983, Jaquiot trouve le renard « très répandu dans le massif de Fontainebleau ».
Bibliographie :
Anonyme (1960) Des Renards dans le parc du château de Fontainebleau. Bull. ANVL juillet/août 1960.
Anonyme (1949) Capture d’un Renard à Fontainebleau. Bull. ANVL. Janvier 1949.
Dalmon (1924) Les animaux sauvages de la vallée du Loing. Bull. ANVL.
Jacquiot (1983) Ecologie appliquée à la sylviculture. Gauthier-Villars.
Loiseau J. (1970) - Le massif de Fontainebleau. Vigot frères : Paris.
Lustrat P. (1986) Contribution à l’étude du régime alimentaire du Renard rouxen forêt de Fontainebleau. Bull. ANVL. Vol. 62. N° 1 : 4-10.
Lustrat P. (1988) Le Renard roux en forêt de Fontainebleau. La Pipistrelle. Tome 1. N° 3 : 12-22.
Lustrat P. (1988) Choix du terrier pour la mise à bas par le Renard roux en forêt de Fontainebleau. Arvicola. Tome IV. N° 2 : 55-56.