Extrait de "les animaux sauvages de la foret de Fontainebleau". P. Lustrat. Editions du Puits fleuri.
Rencontrer le Blaireau en forêt est exceptionnel, même de nuit. Cela ne m’est arrivé que deux fois en France. C’est pour cela que de nombreux naturalistes le croient rare ou même absent de la forêt de Fontainebleau.
Pourtant, le terrier de cet animal est caractéristique, et l’observation de ce sympathique plantigrade est relativement facile, si l’on est patient, discret et si l’on se poste près de son terrier au crépuscule, à bon vent, ou mieux, perché.
Le blaireau préfère s’installer dans les zones rocheuses de la forêt, il est absent de la partie nord-est de la forêt (boucle de la Seine) en raison vraisemblablement du relief trop plat. Les jeunes cherchent leur nourriture seuls dès l’âge de 6 mois, les pertes peuvent alors être très fortes surtout si les étés sont très secs et que la nourriture fait défaut.
Le blaireau peut parfois quitter son terrier bien avant la tombée de la nuit, il m’est arrivé plusieurs fois, dans des sites tranquilles, d’observer des blaireaux devant leur terrier alors que j’arrivais pour tenter un affût plus d’une heure avant la tombée du jour.
L’affût au terrier permet d’observer la sortie des blaireaux, qui, prudents, écoutent et hument l’air longuement avant de s’aventurer hors du terrier. Puis, invariablement, ils se grattent, se mordent parfois mutuellement, et s’éloignent enfin du terrier, à la recherche de nourriture.
Parfois, ils renouvellent la litière de leur terrier. J’ai fait de nombreux affûts au blaireau souvent seul, parfois en compagnie de François Mougeot ou de Christian Desmier, 2 amis naturalistes et dessinateurs animaliers de talent, dont certains dessins illustrent ce livre.
J’ai tenté de suivre un adulte, à l’aide de jumelles infrarouges, un soir de juin 1988, au début de sa sortie, il s’arrête régulièrement pour se coucher sur le dos et se gratter le ventre, parfois, il s’étale sur le dos de tout son long et se lèche les pattes. Puis, il s’éloigne du terrier et ne se toilette plus : il explore le sol, fouillant avec son nez dans les feuilles mortes en faisant beaucoup de bruit, remuant la litière à la recherche de vers (qui constituent l’essentiel de sa nourriture) ou de larves d’insectes, voire de bulbes et de champignons.
La présence de jeunes au terrier apporte un intérêt supplémentaire à l’observation : moins turbulents que les renardeaux, les blaireautins sont toujours au nombre de 2 d’après mes observations en forêt de Fontainebleau. Peu farouches, ils sont parfois venus mordiller mes chaussures...
Blaireaux et renards cohabitent rarement à Fontainebleau, pourtant lors d’un affût au terrier dans le Mont Andart où je m’étais assis le dos contre un chêne, à l’affût un soir de mai 1988, j’observe vers 21 heures, 2 renardeaux jouer devant le terrier, ils se poursuivent, puis un se rase et bondit sur l’autre, s’entraînant à la chasse, puis l’un d’entre-eux s’approche et vient poser sa truffe sur ma main posée au sol près de moi. Vers 21 h 30, un adulte accompagné d’un jeune sort à son tour, mais en me voyant, il pousse un bref jappement, et tout le monde rentre au terrier précipitamment. Un peu plus tard, la nuit tombe, 2 blaireautins sortent, et l’un d’entre eux renifle longuement mes chaussures. Puis le couple de blaireaux adultes sort, et la nuit enveloppe la scène d’un voile mystérieux.
Depuis 1979, le blaireau est totalement protégé en forêt domaniale de Fontainebleau, mais il est encore malheureusement chassé dans le département, sous prétexte de dégât aux cultures. Pourtant, selon l’enquête que j’ai menée en 1986 auprès de tous les tribunaux d’instance du département, aucun dégât de Blaireaux n’a jamais fait l’objet d’une demande d’indemnisation.
Le blaireau n’est pas rare à Fontainebleau, je connais 17 terriers habités (et je n’ai pas cherché dans toute la forêt), certains en compagnie de lapins, voir de renards, dans les 18 000 ha de la forêt de Fontainebleau, soit au minimum 1 terrier occupé pour 1058 ha.
D’après mes observations, chaque terrier est occupé en général par 4 individus : les parents et 2 jeunes. La population de blaireaux est donc au minimum de 68 individus (dont la moitié est consituée de jeunes de l’année), soit une densité minimum de 0,4 blaireaux pour 100 ha de forêt.